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RASSEMBLER A GAUCHE 83
24 avril 2006

Précarité : après les jeunes, les étrangers !

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24 avril 2006

Dans cette tribune publiée par le journal Le Monde, Laurent Fabius s’oppose fortement au projet de loi sur l’immigration préparé par Nicolas Sarkozy. Il développe les raisons de son opposition.

M. Sarkozy soumettra prochainement au Parlement un nouveau projet de loi sur l’immigration. J’y suis opposé. Pourquoi ?

Un point de méthode d’abord. Pour la première fois depuis longtemps, un même Ministre de l’Intérieur soumet deux projets de lois sur le même sujet pendant la même législature. Si une deuxième loi Sarkozy est nécessaire, c’est que la première n’a pas été bien efficace ! Pour un homme qui se flatte, à grands renforts d’images, d’obtenir des résultats, c’est à méditer. Autre enseignement : en relançant le débat sur l’immigration, Le président de l’UMP espère écarter le vrai débat du moment, l’urgence de la question sociale telle que l’a révélée la mobilisation des jeunes et des salariés contre le CPE.

En réalité, la proposition du CPE et celle de « l’immigration choisie » suivent un même fil rouge : la précarité. Ce que le gouvernement a voulu faire avec les jeunes, il cherche désormais à l’imposer aux étrangers : moins de droits et plus d’insécurité, avec, au total, un même risque de pagaille.

Précarisation des étrangers ? Actuellement, le conjoint d’un Français peut obtenir une carte de résident de 10 ans après 2 années de mariage. Avec le projet Sarkozy, ce délai serait porté à 3 ans et, surtout, ce droit ne serait plus automatique, au détriment du respect de la vie familiale garanti par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme. Cette précarisation créera du désordre, car certaines des personnes concernées entreront en France illégalement mais elles ne pourront plus être régularisées et elles ne pourront pas davantage être expulsées. Moins de droits, plus de précarité : c’est cela la logique gouvernementale.

Autre exemple. Le projet veut supprimer une disposition actuelle qui garantit à tout étranger installé depuis 10 ans en France de voir son statut régularisé. Là où M. Sarkozy dénonce avec démagogie une prime à la clandestinité, il ne faut voir qu’une mesure pragmatique, qui permet à la France de régulariser chaque année environ 3000 personnes. Le Ministre parle de « régularisation zéro » pour se justifier. Mais que se passera-t-il si le projet est adopté ? Le nombre de clandestins augmentera fortement, et le prochain gouvernement sera conduit à une régularisation massive comme récemment l’Espagne et l’Italie. Loin de lutter contre l’immigration clandestine, le projet la démultipliera !

Et quel bénéfice tirera la collectivité nationale de ces graves entorses aux droits des étrangers ? Aucun ! Remplacerons-nous ce que M. Sarkozy appelle en humaniste « l’immigration subie » - et qui est en réalité le droit à une vie familiale normale et le droit d’asile - par une « immigration choisie » ? Pas du tout ! Pour essayer d’attirer certains travailleurs étrangers, ce projet créé une usine à gaz administrative, avec pas moins de six statuts différents pour les travailleurs salariés. Aujourd’hui, quand un besoin se fait sentir dans un secteur, une circulaire administrative suffit pour y répondre. C’est ainsi qu’on avait procédé quand, par exemple, on avait fait venir des informaticiens étrangers pour répondre au risque de bug de l’an 2000. Aucun besoin, pour cela, de loi, ou de quotas qui ne disent pas leur nom.

Ce nouveau projet de loi, c’est donc la précarité d’abord, la pagaille ensuite, et un clin d’œil systématiquement appuyé à l’extrême droite. L’inverse de ce qu’il faudrait faire. Je souhaite que les socialistes et la gauche se mobilisent pour obtenir le retrait de ce texte. Si le gouvernement s’entête, l’alternance en 2007 nous conduira à retenir une politique nouvelle d’immigration, répondant à une volonté de co-développement avec les pays concernés. Il n’y a aucun laxisme là-dedans. Ce sera une immigration partagée, une immigration solidaire. Solidaire avec les pays d’origine, avec nos partenaires européens, et avec l’ensemble de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire. Nous avons besoin d’une France solide. Elle sera plus solide si elle est plus solidaire.


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