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RASSEMBLER A GAUCHE 83
9 mai 2006

ARTICLE DU 12 MAI 2006 - QUOTIDIEN LE PROGRES

LE PROGRES

progresfrInterview Laurent FABIUS

12 Mai 2006

Votre visite dans le Jura s'insère dans un tour de France. Venez-vous expliquer votre programme ou convaincre les militants de voter pour vous lors des primaires ?

Ce sont d’abord les convictions qui font les élections. Les miennes sont socialistes, comme le projet qui devra être adopté par notre parti d’ici l’été. Le trio Chirac-Sarkozy-Villepin a plongé la France dans la crise. Leurs manoeuvres et contre-manœuvres deviennent insupportables. Dans toute autre démocratie, le gouvernement aurait déjà démissionné. Il faut un vrai changement, qui ne peut venir que du Parti Socialiste, à condition qu’il soit résolument ancré à gauche et qu’il tire les leçons de l’expérience. C’est le chemin que je propose, et j’espère bien être entendu.

En un an, votre discours s'est infléchi, votre vocabulaire s'est durci et votre comportement s'est radicalisé. Comment expliquez-vous cette métamorphose ? 

Depuis 2002, j’ai dit deux choses, sans varier : face à la droite, nous devons adopter une opposition frontale ; pour retrouver nos électeurs, nous devons tirer les engagements de l’expérience. Pour le reste, oui, le monde a changé, l’Europe aussi, et j’en tire les enseignements : le capitalisme financier est plus dur, il y a des choses qui n’ont pas été toutes réussies entre 1997 et 2002. Je suis candidat pour un vrai changement, pas pour une alternance de façade ou des solutions du passé.

Il semblerait que le plus difficile pour vous soit de convaincre les militants et les sympathisants de ce changement. Un tel virage est-il explicable en politique ?

Je vous l’ai dit : l’environnement a changé et, grâce à l’expérience, je veux apporter des réponses nouvelles. Mais ce qui ne change pas, ce sont les valeurs. Les miennes s’appellent égalité, laïcité, justice sociale, liberté et responsabilité. Je suis républicain et ancré à gauche.

N'avez-vous pas été trop « libéral » pendant trop longtemps ?

En 1981-82, c’est moi qui ai porté l’impôt sur les grandes fortunes. Etait-ce trop libéral ?

Vous êtes l'un des seuls à proposer un programme de fond et les sondages sont toujours aussi mauvais pour vous. Que se passe-t-il ?

Souvenez-vous de 1995 et de 2002, ou encore du référendum il y a un an ! Les sondages ne font pas les suffrages. Pour le reste, s’il faut mieux m’expliquer, je le ferai mais le choix doit se faire sur la politique de fond, pas sur les apparences.

En interne, Ségolène Royal semble inaccessible dans la course au présidentiable. Quelles sont vos chances réelles de vous imposer cet automne ?

J’espère que nous aurons un vrai débat entre candidats à la candidature. A partir de là, je pense qu’une majorité de militantes et de militants socialistes se retrouveront sur une ligne authentiquement de gauche. Si d’autres préfèrent une autre ligne, par exemple plus proche de Tony Blair, c’est parfaitement leur droit.

Vous proposez une Nouvelle République, d'autres parlent d'une VIe république. Quelle est la différence ?

Peu importe les numéros, nous avons besoin d’une République nouvelle, car J. Chirac et les contorsions de M. Sarkozy ont sapé la Vème République. Je souhaite un Président arbitre et responsable, un Premier ministre d’action, un Parlement plus fort et plus représentatif, une démocratie plus participative. Des mesures concrètes comme la fin des nominations partisanes, une dose de proportionnelle ajoutée au scrutin majoritaire. Je veux aussi l’interdiction des cumuls de mandats, un pouvoir d’initiative législative pour les citoyens. Un référendum institutionnel devra être organisé dans les 6 mois suivant l’alternance.

Une grande partie des Français refuse catégoriquement l'ultra-libéralisme financier et la mondialisation synonyme de précarité. Votre discours sur ce thème n'est-il pas en deçà de ce qu'attendent les électeurs ? Bref, êtes-vous prêt à une rupture sur ce sujet-là ?

Face à la mondialisation financière, mes prises de position sont en phase avec ce rejet de la précarité généralisée. C’est le sens de mes propositions précises sur l’emploi, le pouvoir d’achat et le Smic, le logement et la sécurité sociale. Les Français ne veulent ni de l’utra-libéralisme à la mode Sarkozy, ni d’une copie du blairisme. Ils veulent une France plus solide parce que plus solidaire. C’est ce que je propose.

L'UMP, le MPF courtisent les voix du FN. Ces voix vous intéressent-elles ?

Nous devons reconquérir l’électorat populaire s’il nous a quittés, mais certainement pas sur des positions d’extrême-droite.

Les banlieues, le CPE, l'immigration. Le PS n'a pas réussi à faire entendre d'une seule voix sa différence. Peut-il convaincre encore les Français ?

Nous le devons. Sur le CPE, nous avons mené combat contre la précarité. Sur les banlieues, nous avons agi dans un esprit de responsabilité : nous n’avons pas voulu jeter de l’huile sur l’incendie que M. Sarkozy, avec ses déclarations irresponsables, avait contribués à allumer. Quant à l’immigration, nous devons dire la vérité : la nouvelle loi multipliera le nombre de clandestins et elle traite les migrants en suspects. D’où l’opposition non seulement de la gauche, mais de toutes les églises chrétiennes. On peut être humaniste sans être laxiste.


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